Et si je vous disais que le film Christopher Robin était une représentation assez fidèle du monde dans lequel on vit.
Vous en diriez quoi ?
Qu’est c’est « tiré par les cheveux » ? Qu’il s’agit d’un film pour enfant et que par conséquent, il n’est pas possible que celui-ci en dise aussi long sur notre société ?
Attendez un peu…
Car Winnie l’Ourson est probablement plus que ça.
Bien que cet ourson soit grandement con, et que le cadre cinématographique dans lequel il se trouve soit assez candide, tous deux peuvent avoir quelque chose à dire sur où nous en sommes rendus collectivement.
Je vous propose donc d’analyser quelque peu cette œuvre, qui, justement parce qu’elle a été créée de façon candide, tracée avec de gros traits, laisse percoler les signes d’une vision du monde bien précise et que nous connaissons bien.
Il était une fois, l’enfant devenu grand
Le film Christopher Robin commence avec l’histoire d’un enfant devenu grand.
Un homme, qui s’est fait prendre par la machine industrielle et a oublié ses rêves de jeunesse.
L’histoire est londonienne, la teinte est grise.
Le ton est donné.
Le moment de la vie dédié à l’imagination et au rêve fait désormais partie du passé. Boulot, pression à toujours mieux performer, Christopher est au bord de la crise de nerfs, il a été vaincu par la réalité de la vie adulte.
Ce n’est que lorsqu’il est sur le point de sombrer complètement, qu’une hallucination se présente à lui (grâce à une probable et toute mignonne dépression psychotique). C’est « l’Ourson ».
C’est cet ourson, qui pourra d’une certaine manière le ramener à une vision du monde plus joyeuse et idyllique, même si ce n’est qu’en partie. On sent que pour Christopher, il est déjà un peu trop tard, qu’il ne pourra plus revenir tout à fait en arrière.
Ce sera plutôt au tour de ses enfants de prendre le relais, de profiter des vacances oniriques que promulgue la jeunesse.
Mais pour combien de temps ? Car pour eux aussi, l’adolescence, puis l’âge adulte les attendent au tournant.
Un changement de paradigme cinématographique (et social)
Ce genre de démonstrations de « retour à la vie réelle et difficile », on en voit de plus en plus au cinéma. Cela parce que d’une certaine manière, il semble que collectivement, nous soyons aussi devenus plus « adultes » et ne voyons pas le monde de la même manière que nos parents et grands-parents.
À une ère post 11 septembre où la communication est devenue, terrorisante, instantanée et mondialisée, il devient de plus en plus ardu de laisser une place à l’imaginaire, au mythe.
La complexité de la vie est omniprésente, exprimée à tout instant par les instances médiatiques, et cela 24 h sur 24 h.
De cette manière, la projection d’un monde réel moderne inquiétant se voit actualisée à tout instant, en fonction d’un rythme effréné.
Sur les grands et petits écrans, on a donc désormais l’habitude de voir de plus en plus des réalités sombres, difficiles.
Pensons par exemple aux films tels que The Avengers, la série Game of Thrones, ou encore le film Watchmen (un peu vieilli celui-là, mais toujours très d’actualité, et j’aime bien le placer dans une conversation dès que j’en ai l’occasion (fan #1 ici)).
Dans ceux-ci, on fait face à un univers fantastique, mais le déroulement du récit n’en est pas pour autant facile. Pour avancer, aller plus loin dans l’histoire, il faut savoir en payer le prix.
Il faut accepter de voir les héros souffrir, de regarder la mort en face et d’observer les personnages que l’on aime tomber comme des mouches.
Autrefois, la mort enfantine au cinéma était chose taboue. Aujourd’hui, elle est embrassée.
De cette même manière, Christopher Robin commence son récit sur un rêve déchu, sur une mort de l’enfance.
Une nouvelle quête humaniste
Cependant, il reste une lueur d’espoir ! Oui, oui !
Bien que le fond de ces œuvres soit souvent teint par un réalisme cruel, on y perçoit (presque) toujours un désir de revenir à des valeurs plus humaines, basées sur l’espoir.
On vit dans les nuances de gris, mais on continue à y chercher des teintes plus éclatantes.
Et il en est ainsi pour Christopher Robin.
Où après avoir été « perdu » dans la machine de l’âge adulte, il redécouvre une brèche entrouverte vers ses rêves d’enfance oubliés.
Peu à peu, il apprend à ressaisir son enfant intérieur, à le comprendre. Et en échange, ce dernier devient un catalyseur d’espoir, permet à Christopher de concevoir à nouveau des projets un peu fous, qui sortent de l’univers froid qu’est la routine professionnelle.
Et je pense que nos sociétés occidentales ne sont pas si différentes de cette conception.
Après avoir vécu ce que nous avons vécu collectivement, cela additionné à tous nos soucis actuels, nous ne pouvons plus revenir à notre naïveté d’antan.
Mais le monde que nous sommes en train de créer ne nous sied pas non plus. Car on le sent, il nous pousse toujours un peu plus vers l’ennui ou le déséquilibre psychique.
C’est pour cela que nous voyons aussi apparaître un regain des courants humanistes, un désir de revenir à des valeurs plus simples, plus communautaires et humaines.
Nous souhaitons nous aussi retrouver notre ourson intérieur…
Alors, le film Christopher Robin : miroir de notre société ou pas ?
Déjà le simple fait de prendre Winnie l’Ourson, qui est à sa façon un symbole de naïveté, de candeur, et faire tendre son univers vers quelque chose de plus dark en dit beaucoup sur notre époque.
L’imaginaire enfantin est dépassé, ou du moins, n’est pas valide en lui-même. Pour que celui-ci résonne chez les spectateurs, il doit présenter, comme on l’a dit, sa dose de gris, de triste réalité.
Au fond, c’est une façon de récupérer un symbole de l’enfance, lui retirer son côté sacré, pour le jeter dans l’arène.
Mais comme on l’a dit, ce n’est pas parce que nous ne cherchons plus à rêver, mais plutôt parce qu’en tant que société, nous avons vieilli. En ce sens, nous cherchons donc à tester nos mythes dans un environnement plus près notre réalité, de façon à nous assurer qu’ils répondent toujours bien au contexte actuel.
Et les œuvres qui ne passent pas le test seront celles qui seront considérées comme dépassées, et seront reléguées aux oubliettes.
Ces œuvres qui ont mal vieilli !
En vue de ce miroir cinématographique, nous pouvons en conclure que nous sommes collectivement devenus une sorte de jeune adulte dépressif et effrayé, qui cherche à tout critiquer en tout temps, mais qui à la fois, continue de rêver qu’il trouvera un jour les Dragon Balls, se révélera être la réincarnation de Sailor Moon ou deviendra le plus grand dresseur Pokémon.
Mais bon, comme on dit :
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